lundi 21 décembre 2009

Une soupe de trop

Samedi soir, nous avons voulu finir la soupe de quelques jours. Moussa partait dans le désert pour la semaine. Dimanche matin, je me suis réveillée avec une diarrhée qui ne m'a pas lâchée de la journée. Une belle intoxication alimentaire... Je n'ai rien pu manger ni boire durant la journée, sauf pour avaler mon ami, monsieur spasfon. Résultats, en fin de journée, je me suis sentie mal sur les toilettes, j'ai voulu aller m'allonger. Adossée au mur de la salle de bain, j'ai ensuite entendu au loin le claquement de mes pas sur le carrelage, un crac... et quand j'ai réouvert les yeux, c'était le plafond que j'avais en face de moi. Je m'étais évanouie, et j'ai dû jouer au ping pong dans le couloir et sur les encadrements de portes. J'ai rampé jusqu'au téléphone pour appeler Kader au secours. Me voilà avec des bleus aux deux genous, le coude droit écorché et avec un bleu, la fesse droite avec un bleu, l'arcade gauche ouverte et les lèvres ouvertes sur la gauche de la bouche. Je passe ma langue sur les dents, elles semblent intactes. Je compresse arcade et lèvres en attendant Kader. Il me conduit à l'hôpital, de toute manière il n'y a rien d'autre ici. Résultats, 7 - 4 de tension... Perfusion de sodium, un bon bidon, perfusion d'antidiarrhéique, perfusion d'antispasmodique. Nettoyage ensuite de toutes les plaies, le sang a sèché, l'infirmier n'y va pas de main morte... Le médecin me dit qu'il faut faire un point de souture sur ma lèvre du haut. Ok, c'est vous le médecin, de toute manière je ne me suis pas encore vue. Kader m'a dit que je devais avoir l'impression d'être enflée mais que, non, ça va. Il me dit ça pour me rassurer...
Lorsque le médecin m'a fait le point, à vif je pense que tout l'hôpital m'a entendue hurler. J'aurais pu le tuer tellement ça m'a fait mal. J'ai eu alors la vision d'un poisson avec un hameçon dans la lèvre... Ils ne connaissent pas l'anesthésie locale ici. La seule anesthésie, était: "il faut de la patience mademoiselle".... Oui, mais ça fait très mal quand même!!
Aujourd'hui, lundi, la diarrhée m'a laissée tranquille, la soupe a dû finir de quitter mon corps, l'oeil gauche est un peu gonflé, et la lèvre bien explosée. Et j'ai l'impression d'avoir été rouée de coups. Mais bon, ça aurait pu être pire...

jeudi 17 décembre 2009

Rencontre - leçon de vie

Me baladant dans les rues de mon quartier, un jeune garçon, devant la porte de sa maison me hèle et me dit bonjour. Je m'approche, ce sont les travaux dans la maison. La petite cour vient d'être cimentée, un morceau de bois est posé en équilibre au dessus pour passer et rentrer dans la maison. Plusieurs enfants sont là, un d'eux me dit en Tamacheck, eho, eho, viens, viens, entre. Sa mère, un autre enfant dans les bras, me dit viens, entre manger le couscous. Elle est fière de me montrer les travaux de sa maison. Elle me dit que tout ces enfants sont à elle. Je lui réponds que ça fait beaucoup d'enfants! Elle me dit alors qu'elle n'a rien du tout, mais elle a sa famille, et c'est ça qui compte!

Jeux d'enfants

Ici, pas de jardin d'enfant, pas de tobogan dernière technologie, pas de balançoire avec toutes les options de sécurité, pas de voiture télécommandée....
Non ici, le désert offre tout, et les enfants ont l'imagination débordante pour transformer une bouteille de soda, un bout de fil de fer, un vieux pneu abandonné.
Tout à l'heure, en me rendant au cyber café, j'ai entendu des rires d'enfants sur ma gauche, j'ai vu que le gros rocher était plus brillant à un endroit, sur une grande bande. J'ai alors compris. les enfants avaient transformé cette partie du rocher, en tobogan, un morceau de bidon en plastique sous leurs fesses, et c'est parti pour la glissade, pas de rambarde de sécurité, pas de maman qui attend en bas les bras grands ouverts. Non, leur rire offre tout, et prouve à quel point ils sont vivants!
Quelques centaines de mètre avant, j'avais vu deux enfants faisant de la balançoire sur un morceau de chambre à air attaché à une branche de L'Arbre du quartier. Et ce sont des grands "bonjour" qu'ils me lancent lorsque je passe.
Au début de mon séjour, j'avais croisé quatre garçons, chacun avait une superbe voiture confectionnée de toute pièce, de fils de fer déformés et assemblés, les roues étant constituées de fond de bouteilles en plastique, chacune de ces voitures étant différente et très réaliste. Accroché à ces oeuvres, un baton, servant de guidon, pour pousser ses voitures improvisées et faire la course dans les rues, dans le sable.

mardi 15 décembre 2009

La recette de Kader

Raper 2 pommes de terre, 1 courgette, 1 gros oignon, quelques têtes d'ail, 1 petit fenouil
Faire dorer dans une cocotte les morceaux de mouton découpés en cubes
Ajouter les aliments rapés
Ajouter le sel, les épices (Raz el Anout)
Remuer
Ajouter de l'eau déjà chaude à niveau de tout ça
Faire cuire 35-40 minutes
5 minutes avant la fin de cuisson ajouter un piment vert doux, des olives vertes coupées en petits bouts.
Servir cette préparation sur un plat de pâtes, parsemer l'ensemble de fromage rapé
C'est prêt
Dégustez

lundi 14 décembre 2009

Soirée improvisée

Dans le désert, ou à Djanet, ou en Afrique, je ne sais trop dire, les programmes et les plannings, ça n'existe pas. Les choses, les événements, se font au gré des rencontres, des opportunités, du vent. Et pourtant, à chaque fois, ce n'est que du bonheur. Chaque jour, je ne sais pas ce que je vais faire, qui je vais voir, où je vais aller. Et pourtant, à aucun moment, je ne me suis ennuyée, à aucun moment, je n'ai eu l'impression d'une routine, et à chaque instant, j'ai pu croquer ces moments magiques, ces rencontres si riches.

Hier, après avoir eu des invités à la maison, comme presque tous les jours, après avoir pris le thé, puis encore le thé et encore le thé, direction la ville pour une errance si bonne. Visite à mon petit frère Boubaker, à In Abarbar. Musique et couché de soleil dans le 4x4 parce que dehors, le vent s'est levé, et le froid saisi. Djamel est avec nous également. Que c'est bon de se retrouver avec Boubaker. Je l'adore! L'année dernière je lui avait fait une fiche avec l'alphabet Tiffinagh, l'alphabet Touareg des origines. Il ne le connaissait pas du tout, et c'est lui qui m'avait demandé de lui apprendre. Durant notre séjour dans la Tadrart, j'avais écrit quelque chose dans le sable en Tiffinagh. Et il a réussi à le lire complétement. J'était aux anges!! Il avait durant l'été fait la démarche d'apprendre son alphabet, sans que je ne lui demande rien, et là maintenant, il pouvait le lire sans problème!

Le soleil couché, nous avons quitté Boubaker, et sommes allés à Djahil pour ramener Djamel. Arrivée à la maison qui est un peu comme la mienne, étant donné le temps que j'y passe, je suis allée dire bonjour à Tella et Tidouel dans la pièce des femmes. J'y suis restée, et finalement, j'ai mangé avec elles et nous avons passé la soirée ensemble. Naturellement. Dans la pièce, se trouvait également Semira, une petite fille de 4 ans. Elle a donné la vie et le soleil à cette soirée! Lorsque Tidouel lui a demandé comment je m'appellais, elle a répondu "Aicha!". J'en suis restée baba. C'est en fait la fille d'une soeur de Sohara, celle qui m'avait fait le hennée en Avril. J'ai du la croisé chez elle ou dans la rue, ou dans une autre maison, j'ai vu tellement d'enfants, tellement de femmes. Elle se souvenait très bien de moi en tout cas!

Elle était très intriguée par mes cheveux, qui n'étaient pas couverts par un quelconque voile, ni crépu comme elle ou les femmes qu'elle connait. Elle les a touchés, coiffés, carressés. Je l'ai laissé faire, j'étais sa poupée dans ses mains d'enfant.

La voilà ensuite partie dans une danse endiablée au rythme de la musique déversée par la télévision présente dans chaque maison. Une vraie femme dans un corps d'enfant. Quelle grâce, quel rythme!

Elle a voulu ensuite voir mon cheich, que je garde toujours enroulé autour du cou. Je lui ai montré comment je le mettais, je lui ai ensuite mis, à elle. Skey, la Targui!!!
Elle l'a alors enlevé et enroulé elle même sur sa tête, et c'était parfait! A 4 ans....
Scéance chatouilles, son rire inonde la pièce, la maison, le quartier, tel un rayon de soleil dans la nuit. Elle en demande encore et encore.

Merci Semira pour avoir apporté tant de vie et de joie durant cette soirée passée ensemble.

Ma gazelle

L'année dernière, à la même période, Moussa avait trouvé dans le désert, un bébé gazelle. Incapable de se débrouiller seule à cette âge, il l'avait récupérée et emmenée à Djanet.

En février, j'étais la seule à pouvoir l'approcher. En Avril, j'avais pu la carresser entre ses cornes naissantes, elle en avait fermé les yeux de bonheur. Ca avait été un moment magique!

Moussa ne pouvant s'en occuper durant la saison toursitique et son séjour en France, nous l'avions emmenée en Avril dans une sorte de camping, où se trouvait une autre gazelle, du même âge. Elles étaient ainsi ensemble, moins seules. Un mal et une femelle réunis. Ma gazelle étant un mal.

Quelques 8 mois après, nous sommes retournés la voir, hier après midi, avec Moussa et Djamel. Ses cornes naissantes en Avril, sont devenues bien grandes, et différentes de celles de la femelle par leur forme et leur taille.

Elle a conservé ses distances pendant toute notre visite. Djamel et Moussa sont ensuite retournés à la voiture. De mon côté, j'avais du mal à la quitter, envie de lui dire au revoir en tête à tête. J'ai finalement pris le chemin de la voiture et là, oh magie, elle est venue vers moi. J'ai alors fait demi tour. Elle s'est encore approché et a commencé à sauter sur place, et à frapper le grillage de ses petites cornes. Je ne savais pas trop, si c'était pour me faire partir et m'impressionner ou si c'était bon signe. Je me suis alors retournée vers l'homme qui s'occupe du camping, et il m'a fait signe que tout allait bien, le pouce levé. Elle voulait en fait jouer avec moi, une façon de me faire la fête. Nous étions face à face, elle donnant des coups de tête dans le grillage et moi, me déplaçant, comme un singe en face d'elle, à l'état primitif.



Peut être m'avait elle reconnue, moi ou mon odeur? Mais le lien a été recréé, et j'en suis encore sur mon nuage!

dimanche 13 décembre 2009

Tinaout

Pour ceux qui ne sont pas curieux....j'ai mis quelques photos de la maison dans l'article arrivée et installation

mercredi 9 décembre 2009

Sahara mon amour

2 semaines se sont écoulées. Le désert m'avait avalée. Mes parents sont venus me rendre visite ainsi qu'à mon Sahara chéri, chez moi, la Tadrart rouge.

3 jours de préparatifs, pour faire les réserves de nourriture, conserves, lait en poudre, cacahuettes pour le thé parce qu'ensemble c'est délicieux. Récupérer des bidons à droite et à gauche pour faire les réserves d'eau, 20 à 30 litres par jour sont nécessaires pour laver les légumes (avez vous déjà lavé une salade verte avec un verre d'eau?), faire la cuisine, la soupe, le thé, la vaisselle. Oubliez la douche dans le désert. L'eau ne sert qu'à la survie. Et remplir ces bidons durant le créneau de délivrance de l'eau qui a été décallé à cause de l'Aid. Trouver des matelas qui vont servir de salle à manger, et de chambre à coucher. Trouver un réchaud double foyer à caller avec des rochers dans le sable. Trouver une bouteille de gaz en pleine période de l'Aid, alors qu'il y a pénurie. Remplir le jérican de 90 litres d'essence. Et trouver du bois... dans le désert. Achat des légumes et un peu d'eau minérale la veille du départ. Chargement de tout ce matériel pour 5 dans un 4x4. Nous comptions sur un porte bagage sur le toit, mais impossible de démonter la galerie déjà en place. Il faudra faire sans. Seules les choses légères iront sur le toit. Tout le reste doit rentrer dans le coffre.

Moussa sera le chauffeur du 4x4, Boubaker, mon petit frère d'adoption sera le cuisinier, et guitariste de nos soirées. De mon coté, je ferai guide pour les quelques marches dans le désert et aide cuisinier.

Nous voilà partis en direction de cette Tadrart que j'aime tant. Je m'y sens tellement chez moi, retour à la maison, à la source de mes origines.

Arrivée à l'entrée, Ajelatti, les dunes noires. Le sommet de ces dunes est parsemé de fragments de pierres noirs. Les traces de pieds se marquent de rouge dans ce noir. Ensuite, entrée dans le défilé de la Tadrart pendant un jour et demi environ. Quelques gravures et peintures sur notre chemin. Mulan Naga, le deuxième de mes sites préférés.

Ici la roche en forme de tête de chameau. Et toute ces dunes si belles et harmonieuses. Nous gravissons une dune pour admirer ce paysage sous les couleurs du coucher de soleil. Quelle splendeur!
Anatote, vieux guide de 70 ans vient nous rejoindre durant la soiré. Palabres en Tamacheck avec Moussa. Levé de soleil le lendemain matin, les formes de la dune face à moi se dessinent et ondulent avec la montée du soleil.
Nous passons le lendemain, devant ma dune. Elle s'appelle maintenant "la dune de Aicha" car elle n'avait pas de nom jusqu'à maintenant.
Ouan Zoaten, harmonie des dunes, et de ces pitons rocheux qui se dressent.
In Tehak, site que j'aime tant.
Le défilé s'ouvre sur le monde de la Tadrart. Les jours s'enchainent naturellement, au rythme lent du désert.

Arrivée à Tin Merzouga, mon coeur, oulin comme on dit ici, la sang qui coule dans mes veines, l'aimant qui m'attire, la place dont je ne peux plus partir.
La semaine va passer, à la fois vite, mais pourtant, avec l'impression d'avoir profité de chaque instant, pleinement, entièrement.

mercredi 25 novembre 2009

Le projet

En avril 2009, la première fois que j'ai rencontré les femmes de Djahil, une des femmes, Zenab m'a dit que j'avais une mission. Faire un dictionnaire Français/Tamacheck-Tamacheck/Français.
Il n'existe actuellement qu'un seul dictionnaire, très cher et qui ne traduit que dans un sens.
L'idée a germé dans mon esprit. Et maintenant, j'y suis. Me voilà à Djanet, vivant au milieu des Touareg. Les femmes se sont prises au jeu, et font ma formation. Dès la première semaine, nous avions répertorié 240 mots, j'en avait déjà 180 de mes précédents séjours. Nous sommes encore loin d'un dictionnaire, mais c'est déjà un bon début. Les choses se font en douceur, naturellement et simplement. Je ne sais pas encore ce qu'il en ressortira, si ça sera un dictionnaire ou autre chose. Quelques autres idées mûrissent encore. Le but, c'est surtout de tracer par écrit cette langue en voie d'extinction. En effet, déjà maintenant, certains mots ne sont employés plus que par les personnes âgées, les jeunes les oublient ou les remplacent par des termes arabes.
Autre corde au projet. L'écriture Tiffinagh. L'écriture la plus ancienne au monde, encore utilisée. Elle est constituée de points, ronds, batons, croix. Baba me l'avait apprise il y a un an en 2 soirées autour du feu du campement. J'essayerai de l'apprendre à ceux qui me le demanderont, et j'essayerai de faire prendre conscience aux jeunes de l'importance de cette partie de leur culture.
La langue et l'écriture Touareg sont protégés par l'UNESCO....j'essayerai de contribuer à cela, à ma petite échelle. Mais je me dis que même si je n'arrive à toucher qu'une dizaine de personnes, vraiment, au fond de leur coeur, ce sera un début, et ces personnes le transmettront à leurs enfants peut être et ainsi de suite.

dimanche 22 novembre 2009

Première nuit dans ses bras

Nous sommes mercredi je crois, de ma première semaine ici. Nous allons peut être rejoindre Djamel dans le désert pour passer la soirée et la nuit. Début d'après midi, soirée annulée. Moussa a un travail pour la journée, assurer le rapatriement en vivre d'un groupe de touristes dans la Tadrart. Petite déception pour moi, mais je comprends. Environ 16h, mission annulée, le commanditaire a trouvé quelqu'un d'autre... Nous partons donc finalement bel et bien dans le désert. Départ un peut tardif, du coup. Le soleil se couche à 17h30 environ, et à 18h il fait nuit noire. Arrivés sur le site au crépuscule, nous allons nous guider aux feux de camps, ou à la lumière des frontales de différents groupes présents sur le site. Nous trouvons finalement Jamel grâce au feu de camps. La soirée est fraîche, voire froide. Les pieds contre le feu, la tête sous les étoiles. Je vais aider les Touaregs à préparer la taguela. La taguela (à prononcer tadjeuila) est cette galette faite à partir de semoule très fine, entre la semoule que l'on connait et la farine, un peu de sel, et de l'eau. Elle est pétrie un bon moment jusqu'à ce qu'elle ait la bonne texture. On pousse ensuite les braises du feu pour dégager le sable qui est en dessous. La galette est déposée sur le sable chaud, recouverte de sable, sur lequel on vient redéposer les braises et le feu. Il faut la retourner a mi cuisson. Comment savoir quand elle est cuite? Au temps de cuisson? Non ça ne marche pas puisque ça dépend des braises et du bois utilisé pour le feu. A la couleur? Quelle couleur, elle est sous les braises et le sable. Et bien non, oubliez tous vos acquis de cuisine. On sait qu'elle est cuite au son qu'elle fait quand on la tapote avec un morceau de bois. Une fois cuite, la taguela (gros pain) est frottée avec un couteau pour éliminer le sable qui peut être resté sur la croute. On la casse ensuite en gros morceau pour la faire refroidir un peu avant de la travailler. Il s'agit alors de l'émietter pour la rendre un peu comme de la semoule. Nous sommes donc parti d'une semoule très très fine pour arriver au final à une sorte de semoule faite de ce pain galette. Le travail d'émiettage est très long et se fait avec les mains, à plusieurs autour de la grande assiette commune. Ce moment est un moment de proximité et de convivialité que j'aime beaucoup. Une fois la galette réduite en semoule, on va déposer dessus une sauce avec morceaux de légumes ou avec des lentilles. C'est le plat traditionnel des Touaregs. Et comme dit mon petit frère Boubaker, la taguela, c'est seulement au bout de deux heures qu'elle fait deuuuzzzz dans l'estomac.
Que j'aime ces instants, blottie auprès du feu, la tête sous les étoiles, une voie lactée blanche comme jamais, les Touaregs parés de leur cheich, seuls leurs yeux sont visibles et pétillent de vie et du reflet du feu. Et le son de leurs voix lors de palabres ou dans les chansons au rythme du bidon. Et tout autour, le silence enivrant du désert.
Sahara mon amour, Touaregs je vous aime.

Premiers jours

Dès le lundi, je retrouve Tidouel, celle dont je suis la grande soeur qu'elle n'a jamais eu. Nous nous retrouvons à Ifferi où elle passe la journée. Lorsque je descends du 4x4, elle me prend dans ses bras et ne peut plus me lâcher. Le temps a été, cette fois, trop long. Nous sommes si heureuses de nous retrouver. Nous allons chez Jamila, où nous allons partager le repas avec Ata, partager le temps, partager les sourires, partager le thé, partager ces instants magiques. Jamila parle arabe uniquement, Tidouel et Ata parlent tamacheck, mais également arabe. Et moi, je parle français, deux ou trois mots tamacheck, et oui/non en arabe.... et pourtant, nous allons passé un moment merveilleux. Les mots ne sont pas forcément nécessaires. D'autres moyens de communications se mettent alors en place, souvent bien plus forts.
La visite se poursuit ensuite chez une autre femme dans une autre maison. Là se trouvent déjà 5 ou 6 femmes. Nous allons prendre le café au lait, avec gâteaux maison, et 3 cuillères de sucre dans le breuvage, parce que le sucre, c'est important! Cette femme, parce qu'elle n'a pas grand chose, mais comme beaucoup de Touaregs, donne tout, m'offre du sable des dunes noires de l'entrée de la Tadrart et un caillou du désert; parce que c'est la première fois que je viens dans sa maison.
En fin d'après midi, nous allons ensuite dire bonjour à la sœur de Ata dans une troisième maison. Dès notre arrivée et comme dans chaque maison, elle nous apporte une bouteille d'eau et un verre qui sert à tout le monde. Aman Iman. L'eau c'est la vie.
J'aurai rencontré dans cette seule journée beaucoup de femmes qui vont toutes se souvenir de moi, sous le nom de Aicha. De mon côté, je n'ai pas encore retenu tout leurs noms, ni tout leurs visages. Elles sont tellement différentes lorsqu'elle sont à la maison entre femmes, sans aucun voile les cheveux visibles, et une fois dans la rue, ou en présence d'un homme, avec le grand voile qui les enveloppe complètement, et dont elles se couvrent le visage ne laissant dépasser que les yeux dans le pire des cas.

Arrivée et installation

Arrivée à Djanet, samedi 7 Novembre, 22h30. A partir de maintenant, le temps ne compte plus. Comme disent les Touaregs, vous avez l'heure, nous avons le temps. Ici, le temps est élastique, le rythme des journée se cale sur le soleil. Si quelqu'un te dis qu'il arrive dans 10 minutes, il arrivera finalement dans une heure ou deux, ou quelques jours après.... Le surplus de bagages en France est passé fastouche. Caché sous les polaires, bien en vue de la personne qui m'a enregistrée. Même le vol était à l'heure! Comme prévu, arrivée à la douane, je passe la première après m'être soumise au contrôle de température par caméra thermique...pour ne pas laisser rentrer la grippe en Algérie. A l'aéroport, tout le monde est là. Les amis Touaregs. Nous quittons l'aéroport en direction de Djanet, et du quartier dans lequel je vais vivre ces quelques mois, le quartier d'Ifferi, ou Ifri, c'est comme vous voulez, ou selon le panneau...
Ce quartier est à l'entrée de la ville de Djanet.
Au tas de pierres la dans le virage, tourner a gauche dans le sable.
Ici ma maison. L'avant dernière avant le désert, avant le Tenere en Tamacheck, langue Touareg.
Cette maison est composée d'une première cour encore en sable, d'un coté les bidons pour l'eau, de l'autre, quelques plantations pour amener un peu de végétation dans le désert,
une cuisine, c'est à dire, un évier avec robinet, une bouteille de gaz avec un réchaud posé au sol,
une pièce de vie,
une salle de bain, et une chambre. A l'arrière une autre petite cour bétonnée avec escalier qui monte sur la terrasse sur le toit de la maison.
Devant, derrière, à droit et à gauche, le désert est là.

L'installation de la maison se fait petit à petit. La priorité, c'est l'eau. En effet, il y a de l'eau durant deux heures, de 7h à 9h le matin environ... ceci un jour sur deux. Il ne faut pas louper le créneau... Moussa a installé une citerne sur la terrasse du toit, avec un système pour faire monter l'eau dans la citerne, et un autre pour faire descendre l'eau de la citerne à la maison, ceci fonctionne avec une petite pompe. Le 2e système fonctionne bien, mais le premier non. Moussa va donc monter l'eau par bidon de 30 litres pour remplir la citerne de 500 litres .... Les copains vont finalement passer réparer ça et installer le robinet qui manquait pour permettre à l'eau de monter jusqu'à la citerne, enfin. Nous sommes jeudi ou vendredi...
Deuxième objet à amener à la maison... un frigo sorti de je ne sais où. Nous l'installerons à la fin de la première semaine.
Et voilà, c'est le luxe! De l'eau presque courante à coup d'un réveil à 7h du matin un jour sur deux, un frigo qui fait plutôt congélateur, puisque le thermostat est une notion assez abstraite pour lui. Une salle de bain avec des toilettes à l'européenne, un lavabo et une douche. Pour la douche, l'eau étant assez froide, la toilette se fait finalement au bidon. C'est à dire qu'on fait chauffer de l'eau sur la gaz, qu'on met ensuite dans une cuvette qui servira de réserve d'eau pour la "douche" manuelle.
Lorsque je suis arrivée à Djanet, j'avais l'impression de l'avoir quittée la veille, alors que c'était il y a six mois. Djamel, lui a dit qu'il avait l'impression que je n'étais pas partie.

mercredi 4 novembre 2009

C'est parti

Et voilà, ça sent le départ. Fin du boulot vendredi dernier. Dur dur les au revoir.
Ensuite, une petite semaine dans le cocon familial, ça fait du bien. Transition en douceur. Début du retour à la source.
Préparation des bagages. Pharmacie, check list des médicaments, lingettes, cadeaux pour les amis à Djanet, pour les femmes de Djahil. Djamel m'avait demandé des graines pour le jardin. Tidouel m'avait demandé un mixeur pour faire les gâteaux. J'emmène en plus du maquillage et des échantillons de parfum pour Tidouel et les différentes femmes que je ne manquerai pas de rencontrer. Une fois ces éléments essentiels placés dans le sac à dos.... et bien il ne reste de la place plus que pour quelques tshirts. Le duvet, les pantalons et les quelques hauts chauds passeront en bagage à main. Là aussi, le poids est limité... je vais encore devoir magouiller.... mais, je me fais confiance pour ça!
Vendredi départ en train, direction Paris. Visite chez les amis avant de décoller samedi pour le voyage en direction de la maison, Sahara chéri. Paris-Tamanrasset-Djanet. Arrivée samedi soir à Djanet. Je sais déjà que je vais dire bonjour à tout l'aéroport en arrivant. Tous les amis seront là. Hier soir, Kader m'a dit sur FB que Djanet, c'était chez moi.

dimanche 4 octobre 2009

Il était une fois

Tout a commencé en Juin 2001.
Premiers pas en Afrique, premiers pas au Maroc, première rencontre avec le Sahara. Ses dunes envoutantes, son silence enivrant, sa force, sa paix. Il est devenu ma drogue, le sang qui coule dans mes veines. L'espace d'un nuit passée dans ses bras.

Premier treck Saharien
Tunisie - Avril 2004

5 jours de marche au rythme de la caravane. Coupés du monde, loin de toute civilisation. La tête sous les étoiles. Dunes, soupe au sable, crépitement du feu, vent de sable, cheich, rencontre du peuple nomade. Ici ce sont des arabes d'origine, des Tunisiens.

Première rencontre avec les Touaregs
Lybie - Mars 2006

Quelques tranches de vie à régler avec moi même. Le Sahara m'a guéri, il guérit de tout.
C'est en Lybie que j'ai fait la rencontre du peuple Touareg, les princes du Désert, les seigneurs du Sahara. Peuple nomade, accueil sans pareil. Mohamed mon guide, Malien réfugié en Lybie. Il m'a appris le Sahara, m'a laissée être le guide du groupe, droit devant, avalée par le désert.
C'est là aussi que j'ai pu être la spectatrice de scènes marquantes.
Lors de notre arrivée, du transfert en 4x4 pour atteindre le point de départ du treck, rencontre avec un groupe de 5 jeunes, seuls posés au milieu d'un erg immense, cuisant sous le soleil, sans nourriture, sans eau. Ils avaient été abandonnés par leurs passeurs. 2 d'entre eux étaient déjà morts.
Sur le chemin du retour, au sortir d'un rocher, un homme se met sur notre route. Il est tombé en panne dans ce désert immense, voilà plusieurs jours. Il s'est installé un refuge sous un rocher pour se protéger du soleil et du froid de la nuit. Seul au monde. Il n'a presque plus d'eau. Tous les Touaregs du groupe vont l'aider, et réparer sa voiture en bricolant les pièces défectueuses avec des bouts de tuyau, des morceaux de cheich, des cordes. Le petit homme est comme un dingue, il saute de joie et embrasse tout le monde. Il est tellement vivant, alors qu'il venait de frôler la mort.

Premiers pas en Algérie
Tassili du Hoggar - Algérie - Avril 2007

Le rythme est pris, j'ai besoin de mon shoot Saharien annuel. Ca ne va qu'empirer!
Je vais vivre cette semaine de treck, avec les Touaregs, loin des Français du groupe. Il m'accueillent comme l'une des leurs. Le vieux du groupe Abdelahmed me prend sous son aile. Il me racontera sa vie, son ancienne femme devenue folle, son mariage avec une femme qu'il aime, la mort de sa femme, son amour du désert, loin de tout, seul au monde, chambre à coucher mille étoiles. J'ai droit à une chanson à mon nom lors de la dernière soirée passée autour du feu, comme un grand merci pour avoir vécu cette semaine à leurs côtés. Touaregs je vous aime.

Première venue à Djanet
Tassili N'Ajjer - Issendilène - Algérie - Novembre 2007

Treck d'une semaine de nouveau avec les dromadaires. La magie saharienne opère encore cette fois là. Rencontre de Vivi, ma soeur Touareg, peintre de la mer et du désert. Nous ressentons les mêmes choses vis a vis du Sahara et des Touaregs.
Pour nous, Le Désert, c'est le Sahara des Touaregs.
C'est durant ce voyage que les Touaregs me baptiseront Aicha. C'est le nom qui me collera à la peau par la suite.

La source du bonheur
Tadrart Rouge - Algérie - Novembre 2008

Durant ce voyage, j'ai découvert la source... Tin Merzouga, la source du bonheur! Pureté des lignes, harmonie des formes. Que d'émotions en arrivant sur les lieux. Les mots me manquent pour décrire la force de ce que j'ai ressenti lorsque j'ai découvert la place.Je n'ai plus pu la quitter. Toujours attirée, j'y retourne à chacune de mes venues à Djanet. Irresistiblement, comme un aimant.
C'est lors de ce voyage que Baba va m'apprendre l'écriture Touareg, le Tiffinagh. En deux soirées au coin du feu, je vais apprendre cette écriture. C'est la plus vieille écriture du monde encore utilisée. Elle est en voie d'extinction, connue par les vieux, oubliée par les jeunes. Mais le vent souffle, et les temps ont envie de changer. Certains jeunes ont une prise de conscience de la richesse de leur culture... et vont me demander de leur enseigner leur propre écriture! Quel compliment!

Retour à l'essentiel
Tadrart Rouge - Algérie - Février 2009
Premier voyage seule, avec mes amis Touaregs. Je suis gâtée chaque jour durant le voyage. Tin Merzouga est là, et m'accueille, les bras grands ouverts.

Je vais vivre dans les familles à Djanet pour la première fois. Rencontre avec le monde de femmes que je n'avais pas encore côtoyées.
Rencontre de mon petit frère Boubaker. Il incarne la vie, et aime le désert comme à son origine. Je mets beaucoup d'espoir en lui pour sauver la culture Touareg. C'est la première fois qu'il vient dans la Tadrart, je suis son guide durant ces 2 semaines passées ensemble.

Rencontre des amis Touaregs
Tadrart Rouge/Djanet - Algérie - Mars/Avril 2009
Quatre semaines en Algérie. La fréquence de mes venues s'accélère et leur durée augmente.
Quasi 3 semaines passées dans le désert. La vie m'y est devenue familière. Allumer un feu sans papier, travailler le thé, installer le campement et m'orienter dans la Tadrart sont devenus des gestes naturels.
Invitée chez Djamel que j'ai rencontré en Février, un ami de Moussa, je rencontre Tidouel sa soeur. Partageant le thé avec les femmes du quartier de Djahil. Je vais petit à petit les connaitre. Elles vont m'accepter, m'accueillir, telle une des leurs, dès le premier jour. Je suis pour Tidouel comme la soeur qu'elle n'a jamais eue.
Soirée inoubliable, souvenir inscrit sur ma peau. Cette soirée henné chez Tabahort, la cousine de Djamel et Tidouel. Les femmes vont m'offrir une fête sensationnelle. Le fils ainé de Tabahort avec sa guitare faite d'un bidon d'huile, un morceau de bois et des fils de fer, la petite qui danse et danse encore. Et Tella qui joue du tende aux rythmes de transe. Le bonheur à l'état pur!
Autre moment inoubliable. La fête de l'école du quartier de Djahil. J'en suis l'invitée d'honneur. Les enfants m'offriront une poupée Touareg qu'ils ont fabriquée eux mêmes. J'en suis toute émue.

Voyageuse imprudente.
Me voilà contaminée, touchée par l'appel du lointain, du différent.
Tellement de cadeaux de la nature à découvrir, tellement de coeurs riches et de belles âmes à rencontrer. J'espère ne jamais guérir de ce mal....
Claire du Désert