mercredi 25 novembre 2009

Le projet

En avril 2009, la première fois que j'ai rencontré les femmes de Djahil, une des femmes, Zenab m'a dit que j'avais une mission. Faire un dictionnaire Français/Tamacheck-Tamacheck/Français.
Il n'existe actuellement qu'un seul dictionnaire, très cher et qui ne traduit que dans un sens.
L'idée a germé dans mon esprit. Et maintenant, j'y suis. Me voilà à Djanet, vivant au milieu des Touareg. Les femmes se sont prises au jeu, et font ma formation. Dès la première semaine, nous avions répertorié 240 mots, j'en avait déjà 180 de mes précédents séjours. Nous sommes encore loin d'un dictionnaire, mais c'est déjà un bon début. Les choses se font en douceur, naturellement et simplement. Je ne sais pas encore ce qu'il en ressortira, si ça sera un dictionnaire ou autre chose. Quelques autres idées mûrissent encore. Le but, c'est surtout de tracer par écrit cette langue en voie d'extinction. En effet, déjà maintenant, certains mots ne sont employés plus que par les personnes âgées, les jeunes les oublient ou les remplacent par des termes arabes.
Autre corde au projet. L'écriture Tiffinagh. L'écriture la plus ancienne au monde, encore utilisée. Elle est constituée de points, ronds, batons, croix. Baba me l'avait apprise il y a un an en 2 soirées autour du feu du campement. J'essayerai de l'apprendre à ceux qui me le demanderont, et j'essayerai de faire prendre conscience aux jeunes de l'importance de cette partie de leur culture.
La langue et l'écriture Touareg sont protégés par l'UNESCO....j'essayerai de contribuer à cela, à ma petite échelle. Mais je me dis que même si je n'arrive à toucher qu'une dizaine de personnes, vraiment, au fond de leur coeur, ce sera un début, et ces personnes le transmettront à leurs enfants peut être et ainsi de suite.

dimanche 22 novembre 2009

Première nuit dans ses bras

Nous sommes mercredi je crois, de ma première semaine ici. Nous allons peut être rejoindre Djamel dans le désert pour passer la soirée et la nuit. Début d'après midi, soirée annulée. Moussa a un travail pour la journée, assurer le rapatriement en vivre d'un groupe de touristes dans la Tadrart. Petite déception pour moi, mais je comprends. Environ 16h, mission annulée, le commanditaire a trouvé quelqu'un d'autre... Nous partons donc finalement bel et bien dans le désert. Départ un peut tardif, du coup. Le soleil se couche à 17h30 environ, et à 18h il fait nuit noire. Arrivés sur le site au crépuscule, nous allons nous guider aux feux de camps, ou à la lumière des frontales de différents groupes présents sur le site. Nous trouvons finalement Jamel grâce au feu de camps. La soirée est fraîche, voire froide. Les pieds contre le feu, la tête sous les étoiles. Je vais aider les Touaregs à préparer la taguela. La taguela (à prononcer tadjeuila) est cette galette faite à partir de semoule très fine, entre la semoule que l'on connait et la farine, un peu de sel, et de l'eau. Elle est pétrie un bon moment jusqu'à ce qu'elle ait la bonne texture. On pousse ensuite les braises du feu pour dégager le sable qui est en dessous. La galette est déposée sur le sable chaud, recouverte de sable, sur lequel on vient redéposer les braises et le feu. Il faut la retourner a mi cuisson. Comment savoir quand elle est cuite? Au temps de cuisson? Non ça ne marche pas puisque ça dépend des braises et du bois utilisé pour le feu. A la couleur? Quelle couleur, elle est sous les braises et le sable. Et bien non, oubliez tous vos acquis de cuisine. On sait qu'elle est cuite au son qu'elle fait quand on la tapote avec un morceau de bois. Une fois cuite, la taguela (gros pain) est frottée avec un couteau pour éliminer le sable qui peut être resté sur la croute. On la casse ensuite en gros morceau pour la faire refroidir un peu avant de la travailler. Il s'agit alors de l'émietter pour la rendre un peu comme de la semoule. Nous sommes donc parti d'une semoule très très fine pour arriver au final à une sorte de semoule faite de ce pain galette. Le travail d'émiettage est très long et se fait avec les mains, à plusieurs autour de la grande assiette commune. Ce moment est un moment de proximité et de convivialité que j'aime beaucoup. Une fois la galette réduite en semoule, on va déposer dessus une sauce avec morceaux de légumes ou avec des lentilles. C'est le plat traditionnel des Touaregs. Et comme dit mon petit frère Boubaker, la taguela, c'est seulement au bout de deux heures qu'elle fait deuuuzzzz dans l'estomac.
Que j'aime ces instants, blottie auprès du feu, la tête sous les étoiles, une voie lactée blanche comme jamais, les Touaregs parés de leur cheich, seuls leurs yeux sont visibles et pétillent de vie et du reflet du feu. Et le son de leurs voix lors de palabres ou dans les chansons au rythme du bidon. Et tout autour, le silence enivrant du désert.
Sahara mon amour, Touaregs je vous aime.

Premiers jours

Dès le lundi, je retrouve Tidouel, celle dont je suis la grande soeur qu'elle n'a jamais eu. Nous nous retrouvons à Ifferi où elle passe la journée. Lorsque je descends du 4x4, elle me prend dans ses bras et ne peut plus me lâcher. Le temps a été, cette fois, trop long. Nous sommes si heureuses de nous retrouver. Nous allons chez Jamila, où nous allons partager le repas avec Ata, partager le temps, partager les sourires, partager le thé, partager ces instants magiques. Jamila parle arabe uniquement, Tidouel et Ata parlent tamacheck, mais également arabe. Et moi, je parle français, deux ou trois mots tamacheck, et oui/non en arabe.... et pourtant, nous allons passé un moment merveilleux. Les mots ne sont pas forcément nécessaires. D'autres moyens de communications se mettent alors en place, souvent bien plus forts.
La visite se poursuit ensuite chez une autre femme dans une autre maison. Là se trouvent déjà 5 ou 6 femmes. Nous allons prendre le café au lait, avec gâteaux maison, et 3 cuillères de sucre dans le breuvage, parce que le sucre, c'est important! Cette femme, parce qu'elle n'a pas grand chose, mais comme beaucoup de Touaregs, donne tout, m'offre du sable des dunes noires de l'entrée de la Tadrart et un caillou du désert; parce que c'est la première fois que je viens dans sa maison.
En fin d'après midi, nous allons ensuite dire bonjour à la sœur de Ata dans une troisième maison. Dès notre arrivée et comme dans chaque maison, elle nous apporte une bouteille d'eau et un verre qui sert à tout le monde. Aman Iman. L'eau c'est la vie.
J'aurai rencontré dans cette seule journée beaucoup de femmes qui vont toutes se souvenir de moi, sous le nom de Aicha. De mon côté, je n'ai pas encore retenu tout leurs noms, ni tout leurs visages. Elles sont tellement différentes lorsqu'elle sont à la maison entre femmes, sans aucun voile les cheveux visibles, et une fois dans la rue, ou en présence d'un homme, avec le grand voile qui les enveloppe complètement, et dont elles se couvrent le visage ne laissant dépasser que les yeux dans le pire des cas.

Arrivée et installation

Arrivée à Djanet, samedi 7 Novembre, 22h30. A partir de maintenant, le temps ne compte plus. Comme disent les Touaregs, vous avez l'heure, nous avons le temps. Ici, le temps est élastique, le rythme des journée se cale sur le soleil. Si quelqu'un te dis qu'il arrive dans 10 minutes, il arrivera finalement dans une heure ou deux, ou quelques jours après.... Le surplus de bagages en France est passé fastouche. Caché sous les polaires, bien en vue de la personne qui m'a enregistrée. Même le vol était à l'heure! Comme prévu, arrivée à la douane, je passe la première après m'être soumise au contrôle de température par caméra thermique...pour ne pas laisser rentrer la grippe en Algérie. A l'aéroport, tout le monde est là. Les amis Touaregs. Nous quittons l'aéroport en direction de Djanet, et du quartier dans lequel je vais vivre ces quelques mois, le quartier d'Ifferi, ou Ifri, c'est comme vous voulez, ou selon le panneau...
Ce quartier est à l'entrée de la ville de Djanet.
Au tas de pierres la dans le virage, tourner a gauche dans le sable.
Ici ma maison. L'avant dernière avant le désert, avant le Tenere en Tamacheck, langue Touareg.
Cette maison est composée d'une première cour encore en sable, d'un coté les bidons pour l'eau, de l'autre, quelques plantations pour amener un peu de végétation dans le désert,
une cuisine, c'est à dire, un évier avec robinet, une bouteille de gaz avec un réchaud posé au sol,
une pièce de vie,
une salle de bain, et une chambre. A l'arrière une autre petite cour bétonnée avec escalier qui monte sur la terrasse sur le toit de la maison.
Devant, derrière, à droit et à gauche, le désert est là.

L'installation de la maison se fait petit à petit. La priorité, c'est l'eau. En effet, il y a de l'eau durant deux heures, de 7h à 9h le matin environ... ceci un jour sur deux. Il ne faut pas louper le créneau... Moussa a installé une citerne sur la terrasse du toit, avec un système pour faire monter l'eau dans la citerne, et un autre pour faire descendre l'eau de la citerne à la maison, ceci fonctionne avec une petite pompe. Le 2e système fonctionne bien, mais le premier non. Moussa va donc monter l'eau par bidon de 30 litres pour remplir la citerne de 500 litres .... Les copains vont finalement passer réparer ça et installer le robinet qui manquait pour permettre à l'eau de monter jusqu'à la citerne, enfin. Nous sommes jeudi ou vendredi...
Deuxième objet à amener à la maison... un frigo sorti de je ne sais où. Nous l'installerons à la fin de la première semaine.
Et voilà, c'est le luxe! De l'eau presque courante à coup d'un réveil à 7h du matin un jour sur deux, un frigo qui fait plutôt congélateur, puisque le thermostat est une notion assez abstraite pour lui. Une salle de bain avec des toilettes à l'européenne, un lavabo et une douche. Pour la douche, l'eau étant assez froide, la toilette se fait finalement au bidon. C'est à dire qu'on fait chauffer de l'eau sur la gaz, qu'on met ensuite dans une cuvette qui servira de réserve d'eau pour la "douche" manuelle.
Lorsque je suis arrivée à Djanet, j'avais l'impression de l'avoir quittée la veille, alors que c'était il y a six mois. Djamel, lui a dit qu'il avait l'impression que je n'étais pas partie.

mercredi 4 novembre 2009

C'est parti

Et voilà, ça sent le départ. Fin du boulot vendredi dernier. Dur dur les au revoir.
Ensuite, une petite semaine dans le cocon familial, ça fait du bien. Transition en douceur. Début du retour à la source.
Préparation des bagages. Pharmacie, check list des médicaments, lingettes, cadeaux pour les amis à Djanet, pour les femmes de Djahil. Djamel m'avait demandé des graines pour le jardin. Tidouel m'avait demandé un mixeur pour faire les gâteaux. J'emmène en plus du maquillage et des échantillons de parfum pour Tidouel et les différentes femmes que je ne manquerai pas de rencontrer. Une fois ces éléments essentiels placés dans le sac à dos.... et bien il ne reste de la place plus que pour quelques tshirts. Le duvet, les pantalons et les quelques hauts chauds passeront en bagage à main. Là aussi, le poids est limité... je vais encore devoir magouiller.... mais, je me fais confiance pour ça!
Vendredi départ en train, direction Paris. Visite chez les amis avant de décoller samedi pour le voyage en direction de la maison, Sahara chéri. Paris-Tamanrasset-Djanet. Arrivée samedi soir à Djanet. Je sais déjà que je vais dire bonjour à tout l'aéroport en arrivant. Tous les amis seront là. Hier soir, Kader m'a dit sur FB que Djanet, c'était chez moi.